Raconter Millau ? ? ? C’est si difficile ... tant a été complexe pour moi cette aventure…
J’ai très souvent douté lors de la préparation : je n’avais pas toujours le courage de m’entraîner à fond et surtout longtemps, ce qui mettait en péril ma participation à la course … et j’avais peur de participer à la course… car je ne me sentais pas assez affûtée ! ! ! ! C’est le chat qui se mord la queue ! ! ! ! J’ai puisé mes forces dans la volonté des autres en fait, m’étant engagé sans totalement mesurer les efforts à fournir et surtout le temps à consacrer.
Bref, nous voici le 29 août, entraînement test de 50 km sur les lieux du « délit » : Millau !
Laurent gambade, enjoué, positif…. Rachel fait face à un « désordre gastrique », comme d’habitude sans se plaindre ni faiblir. Et moi ? 4Okm et quelques : la force est avec moi ! ! ! ! J’ y crois….. finalement ce serait possible ? ? ?
Et puis patatras : tout un coup … le trou dans la tête puis dans les jambes : pourquoi suis-je là ? Je n’avance plus, ça me gave… Gérard le coatch vient aux nouvelles : t’as mal quelque part ? Et bien le pire c’est que non, tout va bien, les jambes, les pieds, le cardio !Je peux continuer mais est ce que je le veux ? Déconcentrée, je Tombe (il faut dire qu’il fait nuit , sur la nationale, sans frontale et aveuglée par des voitures qui foncent !) C’est décidé : non au 100km !Je l’annoncerai après l’entraînement
Et puis … la sortie se termine, pas de courbatures, le sourire de Rachel, les blagues de Laurent, la confiance généreuse de Flo son épouse supporter infatigable….. , les encouragements de Gérard….. on verra bien …
Et me voici le jour J sur la ligne de départ après une dernière semaine sans beaucoup dormir ni beaucoup digéré mes repas…. Flo nous emmène sur les lieux, attentive, efficace sans en faire trop si pas assez : le ton juste quoi !
« Allez Corbas ! ! ! ! » OUAH ! Ils sont là, juste sur le coté de la ligne, nos amis qui déjà nous encouragent, les yeux brillants. Le cœur s’emballe : quelle chance j’ai d’être là ! ! ! ! de vivre cela ! ! ! !.
Voici les premiers km, euphoriques ; On rejoins nos suiveurs : Pierre le farceur, Dorothée la guerrière, Denis, mon mari discret efficace (Il accompagne Laurent nous l’avons décidé ensemble) , Gégé le coatchquidevinetout……. Et « mon mien » , Francky le calme. C’est la fête dans un joyeux embouteillage de vélos et de baskets. Je sens Franck, concentré et calme …. C’est vraiment parti .
Les 30 premiers km se courent dans un vrai bonheur entre discussions avec les autres participants (ah ces toulousains qui font la chasse au dahu entre « copaing » ! ) Rachel a un franc succès avec son tee short fléché « Gérard à droite » : tout le monde lui demande où il est ce Gégé .. surtout quand c’est moi qui suis à côté ! ! ! Jérome délire comme d’hab, Laurent semble sur un nuage, Jean Claude , toujours discret mène le train. Le paysage est magnifique, on traverse des villages en pierre. Des oies bien alignées nous regardent passer avec hauteur. C’est le début de mon bestiaire : il y aura des vaches, des poneys, un chat, deux chiens.
Au semi .. les amis corbasiens sont là, encourageants tous ceux qui passent mais tonitruants lors de notre passage .Et l’ai envie de dire à tout le monde : et oui !, ce sont NOS amis , à nous, NA ! ! ! ! Ce sont les meilleurs !
Puis arrive le trentième et quelques… mal au ventre… arrêt urgent dans un champ de cerisiers. Les copains m’attendent en marchant ….. ça va mieux…..puis ca va plus…
42ème km, le marathon est plié en 5H09 , et voici encore les amis pour nous soutenir, nous masser, nous parler…. Malgré un nouveau passage urgent aux toilettes, je repars .. je doute mais je me parle pour me convaincre : je n’abandonnerai pas !
45ème km , ça recommence et nous sommes encore dans la banlieue de Millau : Je ne sais pas où m’arrêter : Rachel décide pour moi ; « là , je te cache, et puis de toute façon on connaît personne et on les reverra pas ! ! ! » . C’est à mourir de rire, je me « pose » à 1 mètre de la route ! ! !
On repart .Mon petit mari fait des allez retour entre Laurent et moi, il est inquiet et me cocoone. Rien ne passe dans mon estomac, Franck me shoote au smecta pourtant, et ce n’est qu’au poste de secours de Saint Georges qu’un médecin me donne des pilules miracles. Ouf ! ! !Je repars plus guillerette avec les copains qui m’ont attendus !.
5 km plus loin , mon genou droit me chatouille… puis me titille …..puis……… m’emmerde franchement ! ! ! Je n’arrive plus à suivre les autres car je dois marcher quelques mètres de temps en temps pour empêcher qu’il lâche…. C’est le trou noir, la panique totale à tel point que je n’arrive plus à contrôler mon poult, je ne sais plus quoi faire ! Franck est à côté m’encourageant puis Gérard, Laurent ,… Dans ma tête c’est clair j’abandonne au prochain ravito.
Les autres doivent faire leur course, suivre leur rythme pour ne pas se casser . C’est normal, ils doivent partir devant. Ils ont du mal à me laisser et Gérard puis Denis ( yeux dans les yeux) me font promettre de ne pas abandonner. Je fais la promesse, mais en étant pas convaincu de pouvoir la tenir. Dans ma tête le rêve d’arriver tous ensemble, main dans la main s’écroule et je ne suis pas assez forte pour vaincre ces kms seule ! ! ! Franck est apaisant, c’est comme si il prenait une partie de mes problèmes sur lui. Je n’arrive plus à manger, refuse tout ce qu’il me propose gentiment. Mon esprit est en ébullition. Voici le ravito et ILS (on ne les présente plus !) sont là, les enfants courent autour de moi , chantent, et puis je vois ma tante et mon oncle, tous si plein d’énergie, de confiance, de… je ne sais pas … mais il se passe quelque chose dans ma tête. Je commence la côte de Tiergues et me rends compte que j’ai moins mal en montée. Et tout à coup……….
C’EST SUR, JE N’ABANDONNERAI PAS : en marchant , en mettant 24h , j’irai au bout, C’est devenu évident, essntiel. Je saoule Franck de paroles, et il écoute, me conforte. On fait une vraie équipe je le sens , il sera avec moi jusqu’au bout….
Je monte…. Dans ma tête , JE VOLE ! ! (avec une seule aile..) Le téléphone de Franck sonne sans arrêt : tout le monde demande de mes nouvelles, s’inquiète. ( le forfait de Denis va exploser !) Je demande mon portable, consulte les messages : mes sœurs, mes collègues copines, les autres amis du club restés à Corbas , tous si présents, si généreux : Mon cœur est au chaud.
Nouvel appel : Hervé , Véro et Guilaine vont se relayer à partir du sommet de Tiergues pour m’accompagner : j’en pleure d’émotion…
Et voici donc Hervé qui m’appelle la guerrière, qui plaisante et toujours avec discrétion me facilite la route . Les kms passent, puis voici Véro qui parle à mon genou, le méchant, et qui me fait rire et me touche tant….et puis Guilaine qui supporte mes angoisses des derniers km, qui me remet en douceur dans le droit chemin quand une baisse de lucidité me fait avancer comme un crabe. J’ai tellement peur que tout à coup mes jambes refusent de me porter, si prêt du but ! !
Au 70 km , au poste de secours le diagnostic est tombé : tendinite.. donc pas de solution, il faut faire avec et je découvre que j’en suis capable. Je monte bien, double beaucoup de personnes mais dans les descentes aih, aih, aih ! ! ! ! Le genou lâche !
Denis reviens à vélo à fond (tellement qu’il nous loupe dan la nuit noire et se tape une côte de 3kms avant de comprendre qu’on est déjà passé !). Il a laissé Laurent presque arrivé pour pouvoir m’accompagner jusqu’au bout. Sa présence me rassure : cela fait 20ans qu’elle me fait vivre la présence de mon amoureux, et là il sait que j’ai besoin de lui….
Rachel, Laurent , Jean Claude et Jérome sont donc en train d’arriver et cela me fait battre très fort le cœur : ils ont réussi. Rachel a mené son rêve jusqu’au bout malgré tous ses problèmes de mollets, d’ampoules… Tous sont perclus de crampes et douleurs…. Alors j’avance ! ! ! ! ! !je suis au 96ème. Crampe à hurler à la cuisse gauche histoire de faire balance à la tendinite du genou droit, mes jambes ne m’obéissent plus vraiment ! J’ai un coup de froid de quelques minutes ? Je claque des dents. Tout le monde s’active comme des fourmis à me trouver des gants, un autre coupe vent. Puis j’ai chaud, trop chaud ! Bizarre les réactions du corps.
Je sens la présence attentive et protectrice de ceux qui m’escortent Franck, Guilaine et Denis…
Arrive le dernier km : c’est pas vrai , JE VAIS Y ARRIVER ! ! ! ! !
Je suis accueilli comme une star par tous. C’est totalement dingue ! Quelle chance encore une fois de vivre cela… Il est 1H09 du matin, j’ai mis plus de 15H. Les enfants m’entourent, me portent de leurs cris, et voici Laurent juste à l’entrée du gymnase, main tendue, il me guide sur les derniers mètres , le visage fatigué mais rayonnant.
Tic. Temps enregistré,
Je les vois tous, me jette dans les bras Franck le fidèle, on pleure ensemble d’émotion, puis dans ceux de Rachel, celle grâce à qui je suis là, grâce à qui j’ai osé allé plus loin que ce que je croyais possible. Elle est très pâle. Je cherche et trouve le regard de Denis, un peu en retrait, pudique comme toujours… Je me sens plus forte. Je crois que je ne suis plus exactement la même : jamais je n’avais été au delà de ce que ma raison et ma peur d’avoir mal m’empêchait d’aller.
Mais tout le monde a cru en moi … alors j’ai fini par y croire !
Et dire qu’il y a 4 ans je trouvais « nul » de courir et me moquais de tous des runners en baskets sur les routes ! ! ! ! « ils n’ont que ça à faire » ……….
« ça » c’est ça !
ISA